Tous les articles par Karine

Le lac de nulle part

par Pete Fromm

Résumé :
Cela fait bientôt deux ans que Trig et Al, frère et sœur jumeaux, n’ont plus de contact avec leur père. Et voilà qu’il réapparaît dans leur vie et réclame « une dernière aventure » : un mois à sillonner ensemble en canoë les lacs du Canada. A la fois excités à l’idée de retrouver la complicité de leur enfance et intrigués par ces retrouvailles soudaines, les jumeaux acceptent de partir au milieu de nulle part.
Mais dès leur arrivée, quelque chose ne tourne pas rond, les tensions s’installent. Contrairement à ses habitudes, leur père paraît mal préparé à l’expédition, qui s’annonce pourtant périlleuse par ce mois de novembre froid et venteux. Tous les trois devront naviguer avec la plus grande prudence entre leurs souvenirs et la réalité. Le nouveau roman de Pete Fromm est un voyage inattendu à travers les étendues glacées du Canada où la surface de l’eau sert de miroir à nos peurs, colères et espoirs.

Coup de cœur :  d’une plume précise et délicate Pete Fromm explore une relation fraternelle intense et bouleversante. Le cadre grandiose de cette virée désenchantée sur les lacs sert d’écrin à cette belle et terrible histoire. Un beau roman.

L’Abolition des privilèges

par Bertrand Guillot

C’est un État en déficit chronique, où les plus riches échappent à l’impôt. Un régime à bout de souffle. Un peuple à bout de nerfs, qui réclame justice et ne voit rien venir. Un pays riche mais bloqué, en proie aux caprices d’un climat déréglé. Telle est la France à l’été 1789. Jusqu’à ce qu’en une nuit, à Versailles, tout bascule. C’est la Nuit du 4 août.

Coup de cœur : Un roman effervescent qui restitue l’électricité de ces heures décisives. Précis sur les faits, dans un style enlevé, aux expressions parfois délicieusement anachroniques. Il nous fait de l’œil sur l’époque d’aujourd’hui tout en restituant un moment d’histoire unique et intense : cette assemblée des premiers députés de la France, issus des États Généraux, des hommes terriblement attachants.

Fuir l’Eden

par Olivier Dorchamps

Adam a dix-sept ans et vient de tomber amoureux, là, sur le quai de la gare de Clapham Junction, à deux pas de cet immeuble de la banlieue de Londres où la vie est devenue si sombre. Cette fille aux yeux clairs est comme une promesse, celle d’un ailleurs, d’une vie de l’autre côté de la voie ferrée, du bon côté. Mais comment apprendre à aimer quand depuis son enfance on a connu plus de coups que de caresses ? Comment choisir les mots, comment choisir les gestes ? Mais avant tout, il faut la retrouver…

Coup de cœur :  après « Ceux que je suis » qui était aussi un de mes coups de cœur, je salue à nouveau Olivier Dorchamps, pour son deuxième roman.  Un réel plaisir de retrouver son écriture limpide et incarnée.  Il a le talent de nous lier à ses personnages, de nous mettre dans leur pas avec  précision et un sens de la narration aussi efficace que délicat. Pas de doute un auteur à suivre et j’aime beaucoup son jeune Adam, comme j’avais aimé la fratrie de « Ceux que je suis ».

Revolver

par Duane Swierczynski

Ce roman est construit sur trois périodes et trois générations. 1965 :  deux flics équipiers sont assassinés, un blanc, Stan Walczak et un noir, George Wildey, dans le Philadelphie des émeutes raciales et des trafics d’héroïne ; 1995 : Jim Walczak, le fils de Stan, devenu policier à son tour, est hanté par le meurtre de son père, un crime resté irrésolu ; 2015 : Jimmy est retraité mais ses deux fils sont policiers et sa fille Audrey, la rebelle de la famille – finit des études de médecine légale. Elle décide de résoudre le meurtre de son grand-père, et ainsi de faire littéralement exploser le récit officiel qui détermine les liens entre les trois générations depuis un demi-siècle.

Coup de cœur : Duane Swierczynski n’a pas son pareil pour maintenir la tension et quelle histoire il a construit ! Trois périodes, trois générations d’une même famille de policiers, trois crimes non résolus. Ce polar, mâtiné de tragédie familiale, est passionnant et le second degré et l’humour ne sont pas absents.  Tout ce qu’on aime dans un polar : un bon suspense, des personnages épais, une trame sociale. Bonne lecture !

Le vol du boomerang

par Laurent Whale

Australie, « Bridgestone World Solar Challenge » : la célèbre course de voitures propulsées à l’énergie solaire rassemble des équipes du monde entier. Jeune aborigène tout juste promu docteur en physique des particules à la force de son travail, Jimmy Stonefire n’a qu’un rêve, remporter le trophée pour sensibiliser le monde entier à la cause de son peuple, bafoué et réduit à la misère. Mais dans un pays ravagé par les incendies et les troubles sociaux, menaces et mouvements de solidarité vont se télescoper sur son passage.

Coup de cœur : vous ne pourrez pas lâcher ce livre ! La narration, qui fait converger vers un même point plusieurs personnages qui ne se connaissent pas rend l’histoire passionnante de bout en bout. Impossible de ne pas s’attacher à Jimmy, impossible de ne pas frémir à l’idée que nous pourrions vivre le même affolement que les Australiens. Un vrai plaisir de lecture, un récit efficace et haletant, avec en fonds une réflexion sur les dérives de nos sociétés et un hommage indispensable et sincère aux peuples Aborigènes.

King Kasaï

par Christophe Boltanski

 » Il est tout blanc, d’un blanc spectral, taillé en Hermès. Privé de son socle, pour ainsi dire détrôné, il jouxte des artefacts faits de la même substance dure, compacte, quelque peu élimés par le temps, imprégnés de la même grandeur surannée. La vitrine expose une matière – l’ivoire – à travers ses multiples usages exhumés d’un grenier de grand-mère. Un chausse-pied, des coquetiers, des ronds de serviette, un coupe-papier, un bougeoir, des boules de billard, une brosse à cheveux, et au milieu de ce bric-à-brac de brocanteur, un roi avec sa barbe et ses médailles. Léopold II n’est plus qu’un bibelot parmi d’autres. »

King Kasaï est le nom d’un éléphant empaillé qui fut longtemps le symbole du Musée royal de l’Afrique centrale (rebaptisé « Africa Museum »), situé près de Bruxelles. C’est là que Christophe Boltanski passe la nuit.

Coup de cœur  : dans la géniale collection « Une nuit au musée », encore un opus particulièrement intéressant et bien écrit. Sur les traces de Joseph Conrad, l’auteur s’aventure au cœur des plus violentes ténèbres et au point de rencontre des mémoires et des époques.  Le soin porté au style et à l’écriture est à la hauteur du sujet.

Ce qui gît dans ses entrailles

par Jennifer Haigh

Pennsylvanie 2012, les foreurs s’activent : le sous-sol regorge de gaz de schiste. La technique d’extraction est extrêmement polluante, bruyante, dévastatrice mais il est trop tard pour faire marche arrière. Les habitants du coin qui ont donné leur accord et livré leur parcelle voient leur vie bouleversée.

Coup de cœur : très très bon roman de Jennifer Haigh. Sur un fond documenté de brûlante actualité elle tisse une formidable fiction. Toutes les époques et tous les protagonistes sont décrits habilement et subtilement. Un texte prenant de bout en bout, au plus près des personnages. On s’attache à eux et ils sont très humainement représentés. Je dirais qu’on a affaire à un Pierre Lemaître au pays des foreurs.

Le fils errant

par Gilles Leroy

Moissons 2015, au coeur de la Beauce. Yanis, dix-sept ans, est de retour dans la ferme fortifiée des Maupu, où il a séjourné quelques étés, petit. L’adolescent métis fait tache dans le décor : il vient des cités de Dreux, il a les cheveux longs et c’est un élève brillant. Il fait peur aussi. Que veut-il ?  Le patriarche le rejette, les fils et les brus cachent à peine leur mépris.
Suzanne, la femme du patriarche, fait exception, heureuse de retrouver dans les traits du jeune homme ceux de son fils mort à moto. Pourtant, ce n’est pas vers elle que Yanis se tourne mais vers un saisonnier américain, comme lui orphelin, dont il tombe amoureux.

Coup de cœur : nous adorons Gilles Leroy,  et son dernier roman ne fait pas exception à la qualité littéraire qui caractérise tous ses romans. « Que c’est bien écrit » est l’expression qui nous vient spontanément. Cerise sur le gâteau : nous retrouvons le personnage d’Adam, que nous avions découvert dans « Le diable emporte le fils rebelle ».

Nom

par Constance Debré

« J’ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l’héritage, de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition de la filiation, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l’enfance aussi si on peut ».

La décision

par Karine Tuil

Mai 2016. Dans une aile ultrasécurisée du Palais de justice, la juge Alma Revel doit se prononcer sur le sort d’un jeune homme suspecté d’avoir rejoint l’Etat islamique en Syrie. A ce dilemme professionnel s’en ajoute un autre, plus intime : mariée depuis plus de vingt ans à un écrivain à succès sur le déclin, Alma entretient une liaison avec l’avocat qui représente le mis en examen. Entre raison et déraison, ses choix risquent de bouleverser sa vie et celle du pays…
Avec ce nouveau roman, Karine Tuil nous entraîne dans le quotidien de juges d’instruction antiterroristes, au coeur de l’âme humaine, dont les replis les plus sombres n’empêchent ni l’espoir ni la beauté.