Coups de cœur du rayon Littérature

française et étrangère

Sarah, Susanne et l’écrivain

par Eric Reinhardt

Sarah a confié l’histoire de sa vie à un écrivain qu’elle admire, afin qu’il en fasse un roman. Dans ce roman, Sarah s’appelle Susanne. Au départ de ce récit, Susanne ne se sent plus aimée comme autrefois. Chaque soir, son mari se retire dans son bureau, la laissant seule avec leurs enfants. Dans le même temps, elle s’aperçoit qu’il possède soixante-quinze pour cent de leur domicile conjugal. Troublée, elle demande à son époux de rééquilibrer la répartition et de se montrer plus présent, en vain.
Pour l’obliger à réagir, Susanne lui annonce qu’elle va vivre ailleurs quelque temps. Cette décision provoquera un enchaînement d’événements aussi bouleversants qu’imprévisibles… Réflexion sur le lien troublant et mystérieux qui peut apparaître entre lecteurs et écrivains, ce roman puissant, porté par la beauté de son écriture, fait le portrait d’une femme qui cherche à être à sa juste place, quelque périlleux que puisse être le chemin qui y mène.

Coup de cœur. Dans une ébouriffante mise en abyme, l’auteur dresse le portrait sensible d’une femme prise à son propre piège. Porté par une très belle écriture, ce récit livre une réflexion stimulante sur les liens entre le réel et la fiction, le travail jubilatoire de l’écrivain et son rapport aux lecteurs.

Sans preuve & sans aveu

par Philippe Jaenada

« Pendant que je fais des phrases, un homme fermente dans une cellule ». Philippe Jaenada Alain Laprie a été condamné à 15 ans de prison pour le meurtre de sa tante. La justice pénale a tranché. Sur la base d’un dossier vide, ne contenant aucune preuve tangible, elle a privé l’homme de sa liberté et l’a séparé des siens. A travers cet exemple, dont il décortique avec la minutie qu’on lui connaît chacun des éléments, Philippe Jaenada dresse un vibrant réquisitoire contre les dysfonctionnements inacceptables d’un système policier et judiciaire qui, par manque de moyens et de détermination, se délite sous nos yeux dans l’indifférence générale.
Philippe Jaenada est un écrivain majeur de la littérature contemporaine. Son inimitable autodérision s’entremêlent avec grâce à la puissance de ses livres. La Serpe a reçu le prix Femina 2017. Ses romans sont disponibles chez Points. Postface inédite de l’auteur.

Coup de cœur : écrivain engagé dans  la résolution de meurtres aux tenants complexes ; homme s’interrogeant sans cesse sur l’injustice et les vies brisées. Une nouvelle fois il retrace avec brio et rigueur une affaire ténébreuse et met tout le talent de son écriture au service d’un homme que tout, ou plutôt rien, n’accuse.

Des jours sans fin

par Sebastian Barry

Dans les années 1850, chassé d’Irlande par la Grande Famine, le jeune Thomas McNulty vient tenter sa chance en Amérique. Il rencontre John Cole, qui devient l’ami et l’amour de sa vie. Tour à tour, Thomas et John vont combattre les Indiens des grandes plaines de l’Ouest, se travestir en femmes pour monter des spectacles, et s’engager du côté de l’Union dans la guerre de Sécession. Jusqu’à ce que la violence de la guerre les rattrape…
Sebastian Barry dessine le portrait d’une famille touchante et inhabituelle, composée de ce couple inséparable, de Winona, leur fille adoptive sioux, et du vieux poète noir McSweny, et pose un regard neuf sur une des périodes les plus brutales de l’histoire américaine.

Coup de cœur : étonnant de beauté et de violence, ce récit est passionnant et ses personnages inoubliables.

Sur un os

par Ricardo Elias

L’emprisonnement commençant à leur taper sur le système, une poignée de détenus décident de se faire la belle en creusant un tunnel. Rien d’original à cela, sauf qu’en route, ils tombent sur un os, ou plutôt sur une collection d’os qui, réunis, forment un parfait squelette de rarissime dinosaure. De taulards, les voilà qui se muent en archéologues amateurs, tandis que leur secret se répand dans une prison gagnée par la passion de la paléontologie.
C’est évidemment sans compter sur l’administration où la méchanceté des matons le dispute à la bêtise du directeur.

Où l’on découvre qu’il est risqué de contrarier des prisonniers qui ont sorti leurs têtes du gouffre de l’ennui en découvrant les vertiges de la culture.

Coup de cœur : roman noir complètement atypique, fable caustique, « Sur un os » est très divertissant et sa galerie de prisonniers en quête de savoir est parfaitement improbable et réjouissante.

Le coeur des louves

par Stéphane Servant

Résumé :
Célia et sa mère Catherine, autrefois écrivaine à succès, reviennent vivre dans la maison de la grand-mère où rien n’a changé depuis la mort de la vieille dame, il y a des années. Dans le village perdu au fond de la vallée, avec ses montagnes couvertes de forêts et son lac Noir, tout le monde se connaît et leur retour ne semble plaire à personne. Amours, haines, malédictions enchaînent les membres de cette petite communauté depuis plusieurs générations.
Certains croient encore à cette légende de femme louve commandant aux bêtes sauvages… Mais ce sont les hommes qui font la loi et dictent leur violence. Pour découvrir ce qui se cache sous la surface des choses, Célia va devoir se frayer un chemin entre les mensonges et les superstitions. Et devenir louve, pour ne pas être proie.

Des milliers de lunes

par Sebastian Barry

Nous retrouvons Winona Cole, la jeune orpheline indienne lakota du roman « Des jours sans fin », et sa vie dans la petite ville de Paris, Tennessee, quelques années après la guerre de Sécession. Winona grandit au sein d’un foyer peu ordinaire, dans une ferme à l’ouest du Tennessee, élevée par John Cole, son père adoptif, et son compagnon Thomas McNulty.
Cette drôle de petite famille tente de joindre les deux bouts dans la ferme de Lige Magan avec l’aide de deux esclaves affranchis, Tennyson Bouguereau et sa sœur Rosalee. Ils s’efforcent de garder à distance la brutalité du monde et leurs souvenirs du passé. Mais l’Etat du Tennessee est toujours déchiré par le cruel héritage de la guerre civile, et quand Winona puis Tennyson sont violemment attaqués par des inconnus, le colonel Purton décide de rassembler la population pour les disperser.
Coup de cœur : après le vibrant « Des jours sans fin » dont la beauté et la violence nous ont secoué ;  quel plaisir de retrouver les personnages ! Magnifiquement écrit, animé de l’esprit impérieux d’une jeune fille au seuil de l’âge adulte, « Des milliers de lunes » est un roman sur l’identité et la mémoire, une sublime histoire d’amour et de rédemption.

Les Terres animales

par Laurent Petitmangin

Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là.
Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux. Laurent Petitmangin, toujours aussi bouleversant d’humanité, nous raconte les souvenirs indélébiles, les instincts irrépressibles et la vie qui toujours impose sa loi au coeur de ces terres rendues au règne animal.

Suite inoubliable

par Akira Mizubayashi

Pamina est une jeune luthière brillante, digne petite-fille d’Hortense Schmidt, qui avait exercé le même métier au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Embauchée dans l’atelier d’un fameux luthier parisien, Pamina se voit confier un violoncelle très précieux, un Goffriller. En le démontant pour le réparer, la jeune femme découvre, dissimulée dans un tasseau, une lettre qui la mènera sur les traces de destins brisés parla guerre.
Des mots, écrits à la fois pour résister contre l’oppresseur et pour transmettre l’histoire d’un grand amour, auront ainsi franchi les frontières et les années. Les histoires entremêlées des personnages d’Akira Mizubayashi, tous habités par une même passion mélomane, pointent chacune à sa façon l’horreur de la guerre. La musique, recours contre la folie des hommes, unit les générations par-delà la mort et les relie dans l’amour d’une même langue.

Coup de cœur : Une luthière se voit confier la réparation d’un précieux violoncelle, qui lui en rappelle un autre et à l’intérieur duquel elle découvre une lettre. Retraçant des destins brisés par la guerre de 1945 au Japon, Mizubayashi signe une enquête poétique et fascinante sur ce qui relie les êtres à travers le temps.

La veuve des Van Gogh

par Camilo Sanchez

Sur la mort de Vincent Van Gogh tout a été écrit. Sur celle de son frère Théo, terrassé par le chagrin, des litres d’encre ont été aussi déversés. Mais personne n’a évoqué ce qu’il advint de Johanna Van Gogh-Bonger, épouse de Théo, qui vécut un double veuvage tant le lien entre les deux frères était fort. A la disparition de son mari, la jeune femme décide d’ouvrir, à quelques kilomètres d’Amsterdam, une auberge.
C’est là qu’elle réunit les lettres de Vincent, qu’elle accroche aux murs ses toiles. Elle se battra pour faire connaître au monde le génie de son beau-frère.

Coup de cœur : Une histoire méconnue et passionnante qui brosse le portrait d’une femme dont la détermination a changé la face de l’art contemporain. L’auteur mêle à son texte, qui est fort bien écrit, des extraits du journal de Johanna et des extraits des lettres de Vincent à Théo. Ces belles correspondances donnent un éclat supplémentaire à ce roman passionnant.

Histoires

par Marie-Hélène Lafon

Le présent volume rassemble la totalité des nouvelles de l’autrice publiées chez Buchet/Chastel (deux recueils : Liturgie en 2002, et Organes en 2006). Opus complété par :  » Bon en émotion « , et  » La Maison Santoire  » (nouvelles publiées par ailleurs et épuisées). Cette présente édition – la première au format poche – présente d’autres textes de l’autrice publiés en revue mais jamais repris dans un recueil.

Coup de cœur : vous le savez nous apprécions au plus haut point la prose de Marie-Hélène Lafon et la forme courte est un exercice difficile où elle excelle. Donc sans hésitation, un sincère coup de cœur !