Tous les articles par Karine

Le roman de Jim

par Pierric Bailly

« Mon goût pour les situations compliquées, pour les histoires tordues, si j’étais bien incapable de dire d’où il me venait, je pouvais au moins l’assumer, peut-être le revendiquer ». A vingt-cinq ans, Aymeric essaie de renouer avec le monde extérieur après une rupture amoureuse et un séjour en prison. Florence en a quarante, elle est célibataire et enceinte de six mois. Ils se lient et à la naissance de Jim, ils forment tous les trois une famille heureuse et unie, entre vastes combes et forêts d’épicéas du Jura.
Mais Aymeric pourra-t-il devenir le père d’un enfant qui n’est pas le sien ?

Coup de cœur : Aymeric est un personnage magnifique, un jeune père en construction qui se voit malmené par le destin. Ses émotions sont transcrites avec une justesse et une sincérité tout à fait émouvants. On a envie de lui tendre la main, de lui dire qu’il a bien agi. Merci à Pierric Bailly pour ce beau roman !

Une longue impatience

par Gaëlle Josse

Ce soir-là, Louis, seize ans, n’est pas rentré à la maison. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un village de Bretagne, sa mère Anne voit sa vie dévorée par l’absence, qui questionne la vie du couple et redessine celle de toute la famille. Chaque jour, aux bords de la folie, aux limites de la douleur, Anne attend le bateau qui lui ramènera son fils. Pour survivre, elle lui écrit la fête insensée quelle offrira pour son retour.
Un bouleversant portrait de femme, secrète, généreuse et fière.

Coup de cœur : GaëlleJosse porte ce roman d’une plume inspirée, belle et riche, dans sa prose et son propos. Elle transmue le chagrin de son héroïne en grâce et nous sommes chavirés  tout à la fois par la beauté et la tristesse.

Déplacer la lune de son orbite

par Andrea Marcolongo

C’est une nuit dans un musée vide que je m’apprêtais à passer devant l’Acropole. Les marbres du Parthénon, ont été arrachés à la pioche et envoyés en Angleterre par Lord Elgin au début du XIXe siècle. À Athènes, il ne reste que des miettes : un pied de déesse, la main de Zeus, la tête d’un cheval. Nous avons tous dérobé quelque chose à la Grèce : ses idées, sa politique, à partir desquelles nous avons forgé nos racines occidentales, mais aussi ses arts, sa beauté Antique.
Dans ce vol collectif, je ne suis qu’un imposteur parmi d’autres : je ne suis pas grecque, je ne parle pas le grec moderne, et pourtant j’ai bâti ma vie et mon écriture sur ce vol. Ce soir, ce privilège sans précédent dans l’histoire du musée m’a pourtant été accordé, à moi, qui n’ai ni Homère ni Platon dans mon sac, mais la biographie de Lord Elgin.

Coup de cœur : cette collection « Ma nuit au musée » est décidément riche en pépites. Brillante linguiste, Andrea Marcolongo explore le vide du musée en parcourant notre héritage Grec. Au-delà de la narration du vol éhonté des splendeurs du Parthénon, elle développe toute une réflexion et une introspection d’une fort belle plume.

Le nouveau

par Keigo Higashino

Muté depuis peu au commissariat de Nihonbashi, au cœur de Tokyo, Kaga Kyoichiro enquête sur le meurtre d’une femme retrouvée étranglée dans son appartement. Fidèle à ses habitues, il s’interroge sur des détails anecdotiques. Comme cette gaufre fourrée au wasabi retrouvée chez la victime. Car ce qui intéresse avant tout cet inspecteur hors norme, c’est de comprendre les tenants et les aboutissants du crime.
Le maître incontesté du polar japonais est de retour avec un magistral roman à tiroirs.

Coup de cœur : pas une goutte de sang et un suspense implacable. Étonnant de douceur et de persévérance, l’inspecteur chemine d’une façon assez inhabituelle et nous donne l’occasion de flâner dans le Tokyo des traditions et des petits commerces. À déguster sans modération !

Shit !

par Jacky Schwartzmann

Quand Thibault débarque à Planoise, quartier sensible de Besançon, il est loin de se douter que la vie lui réserve un bon paquet de shit. Conseiller d’éducation au collège, il mène une existence tout ce qu’il y a de plus banale. Sauf qu’en face de chez lui se trouve un four, une zone de deal tenue par les frères Mehmeti, des trafiquants albanais qui ont la particularité d’avoir la baffe facile. Alors que ces derniers se font descendre lors d’un règlement de comptes, Thibault et sa voisine, la très pragmatique Mme Ramla, tombent sur la cache de drogue.
Que faire de toute cette came ? Lorsque notre duo improvisé compare ses fiches de paie avec le prix de la barrette, il prend rapidement une décision. Un choix qui pourrait bien concerner tout Planoise.

Coup de cœur : humour, parler cash et populaire, action et autodérision font tout le sel de ce polar déjanté.

L’Effet maternel

par Virginie Linhart

 » Tu n’avais qu’à avorter : il n’en voulait pas de cette gosse !  » Ce sont ces mots prononcés par sa mère qui ont conduit la narratrice à raconter l’histoire de sa famille. Une relation, faite de coups de griffe, de silences, de confusion, mais aussi de beaucoup d’amour. Un admirable récit qui mêle les destins singuliers et collectifs, les descendants des survivants de la Shoah, les espoirs nés de Mai 68, les conquêtes féministes des années 1970 et l’ordre moral de nos sociétés contemporaines.
Virginie Linhart est réalisatrice de documentaires et écrivaine, c’est son histoire.

Coup de cœur : une vie de femme, une histoire touchante et universelle, un texte tendu qui se lit d’une traite, comme  le reflet de l’urgence et de la nécessité qui ont présidé à son écriture.

L’établi

par Robert Linhart

Les « établis » sont les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s’embauchaient, « s’établissaient » dans les usines ou les docks pour vivre l’expérience du travail ouvrier. Robert Linhart a mis 10 ans à écrire sont expérience d’une année comme OS dans une usine Citroën. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, la place de l’homme face aux objets. Il raconte ce que c’est, pour un Français ou un immigré, d’être ouvrier dans une grande entreprise parisienne.
Mais l’établi, c’est aussi la table de travail bricolée où un vieil ouvrier retouche les portières irrégulières ou bosselées avant qu’elles passent au montage. Ce double sens reflète le thème du livre, le rapport que les hommes entretiennent entre eux par l’intermédiaire des objets : ce que Marx appelait les rapports de production.

Coup de cœur : témoignage indispensable, implacable, c’est un texte qui a aussi une grande valeur littéraire.

Le génie et les ténèbres

par Roberto Mercadini

Quand ils se rencontrent, à Florence, au tout début du XVIe siècle, Michel-Ange a vingt-six ans et Léonard quarante-neuf. Michel-Ange est capricieux, perfectionniste, aussi pieux qu’il est négligé dans ses manières, mais déterminé à se frayer un chemin à coups de burin. Léonard de Vinci est un hédoniste aux contours plus nuancés, aussi élégant qu’un dandy, mais qui ne respecte aucune échéance, s’intéresse autant aux sciences qu’aux arts, et devient même, parmi les multiples métiers qu’il exerce pour gagner sa vie, musicien de cour.
Avec son talent de conteur d’exception, Roberto Mercadini redonne vie aux hommes plus encore qu’aux artistes et ressuscite à merveille leur monde disparu : les troubles et les splendeurs de cités légendaires, quantité d’œuvres sublimes, une foule de personnages historiques hauts en couleur, peintres, sculpteurs, architectes, papes, condottieres, comtesses guerrières et moines rebelles. A la Renaissance, comme dans les vies de Léonard et de Michel-Ange, rien ne sépare la lumière des ombres : le génie solaire des gestes parfaits de l’artiste cohabite toujours avec les ténèbres de ses obsessions.
Coup de cœur : Léonard de Vinci et Michel-Ange sont nés pour être rivaux. Rien ne les a opposés davantage que leurs tempéraments.  Avec brio et rigueur, « Le génie et les ténèbres » nous plonge au cœur de leur rivalité légendaire en ces temps obscurs, exaltants et tragiques de la Renaissance.  Une belle écriture au service du portrait passionné de ces deux génies.

La rivière

par Peter Heller

Deux copains de fac s’offrent la virée en canoë de leur rêve sur le fleuve Maskwa, au nord du Canada. Bientôt la balade contemplative tourne à la course contre la montre quand l’horizon s’obscurcit de feux de forêt gigantesques. Mais dans les bras et sous le règne de dame nature, une menace peut toujours en cacher une autre et une rencontre étrange va la mettre en danger.

Coup de cœur : Peter Heller met sa pratique intime de l’aventure, son sens irrésistible du suspense et sa connexion unique aux paysages au service d’une folle et sauvage équipée qui éprouve autant l’amitié sincère de ses personnages que les nerfs du lecteur.

Scarlett

par François-Guillaume Lorrain

Publier le roman-fleuve de Margaret Mitchell était déjà une gageure, mais faire d’ »Autant en emporte le vent » un film était pure folie. Des centaines de décors, de costumes et d’acteurs pour un film d’une longueur invraisemblable : un défi qui aurait pu ruiner David O. Selznick, son producteur mégalomane, bien décidé à réussir « le plus grand film de tous les temps ». Par-delà les tractations, difficultés et imprévus en tous genres, une question centrale s’invite au cœur des débats qui agitent les Etats-Unis : qui pour incarner Scarlett ? Trois années à voir défiler un bal d’actrices parmi les plus célèbres comme des milliers d’inconnues qui participent à ce casting homérique.
Coup de cœur : dans ce roman passionnant, François-Guillaume Lorrain exploite avec beaucoup de talent et de verve le matériau extraordinaire qu’est l’histoire du film. Du livre à l’avant-première, il nous dévoile et fait revivre le contexte de l’époque, le milieu du cinéma et les protagonistes de cette aventure qui marque Hollywood : le producteur moralement douteux David O. Selznick, la très obstinée Vivien Leigh, le flegmatique Clark Gable, et Hattie McDaniel, la première interprète noire oscarisée pour le rôle qu’on lui reprochait pourtant d’endosser. J’espère que cela vous donnera l’envie de lire ou relire le livre, qui est un chef d’oeuvre.