« Autant prévenir tout de suite (j’espère que vous lisez ces lignes avant d’acheter…) : les amateurs de définitions maîtrisées, de monographies exhaustives, d’analyses thématiques seront déçus. C’est à un écrivain que l’éditeur a confié ce Dictionnaire amoureux, je parlerai donc ici en romancier et en lecteur. Il y aura des oublis impardonnables, des injustices criantes, des jugements contestables, c’est inévitable : c’est un dictionnaire de ce que j’aime et encore n’ai-je pas pu mettre tout ce que j’aime ».
Qu’on l’appelle noir ou policier, qu’on le qualifie de « littérature de genre » – comme s’il n’appartenait pas à la littérature tout court -, le polar ne manque pas de papes, rois, reines (ou prétendus tels), chapelles, querelles, ego… mais surtout de romans qui emportent, frappent, terrifient, marquent les esprits comme les époques. Adepte des livres, films, séries qui racontent – ou dénoncent – le monde tel qu’il va mal, Pierre Lemaître, avec la liberté d’esprit, l’engagement et la verve qu’on lui connaît, brosse ici un panorama international jouissif et personnel.
Attention : bible du noir érudite, éclectique et réjouissante.
Coups de cœur du rayon Polar
Sur le ciel effondré – Une enquête du capitaine Anato en Amazonie française
par Colin Niel
En raison de sa conduite héroïque lors d’un attentat en métropole au cours duquel elle a été défigurée, l’adjudante Angélique Blakaman a obtenu un poste à Maripasoula, sur le Haut-Maroni, là où elle a grandi. Mais les bords du fleuve ont changé, redessinés par les orpailleurs à coups de dancings et de bordels. Au-delà, s’ouvre la forêt et le territoire des Amérindiens wayanas, qui peu à peu se détachent de leurs traditions, tandis que s’infiltrent partout les évangélistes.
C’est là que vit Tapwili Maloko, le seul homme qui met un peu de chaleur dans le coeur d’Angélique. Aussi, lorsque de sombres nouvelles arrivent de son village, elle n’a d’autre choix que de mener l’enquête. A ses côtés, le capitaine Anato, noir-marron comme elle, et pour elle prêt à enfreindre certaines règles. Avec cette héroïne que ses colères tiennent comme une armure, Colin Niel nous fait entrer dans une Guyane secrète, qui n’a pas tout perdu de ses pouvoirs anciens, lorsque les hommes vivaient auprès des dieux.
Huit crimes parfaits
par Peter Swanson
Libraire spécialisé en roman policier, Malcolm Kershaw reçoit la visite surprise du FBI. L’agent Gwen Mulvey enquête sur deux affaires étranges : une série de meurtres qui rappelle un roman d’Agatha Christie, et un accident qui fait écho à un livre de James Cain. Elle espère donc que l’avis d’un expert du genre lui permettra d’interpréter correctement les (rares) indices à sa disposition. Et ce n’est pas tout : Malcolm, quinze ans plus tôt, a publié sur son blog une liste intitulée « Huit crimes parfaits », où figuraient ces deux intrigues.
Serait-il possible qu’un tueur s’en inspire aujourd’hui ? Très vite, l’angoissante certitude s’impose : le tueur rôde déjà à proximité. Malcolm commence à le voir partout, et sent un véritable noeud coulant se resserrer autour de son cou.
Vis-à-vis
par Peter Swanson
Illustratrice talentueuse mais psychologiquement fragile, Hen a enfin trouvé un équilibre dans sa vie. Elle déménage avec son mari dans une jolie petite ville proche de Boston et sympathise avec ses voisins, Mira et Matthew. Mais à l’occasion d’un dîner, Hen repère dans le bureau de Matthew un trophée sportif lié à un ancien meurtre non élucidé et qui l’a obsédée par le passé. Hen sait maintenant qui est le tueur.
Pire encore, elle comprend très vite que Matthew sait qu’elle sait. A moins que tout cela ne soit le symptôme d’un nouvel épisode psychotique… ou alors une simple coïncidence.
Tuer le fils
par Benoît Séverac
Un fils tue pour prouver à son père qu’il est un homme. Des années plus tard, lorsque le fils sort de prison, le père est assassiné. Hasard ou coïncidence ? Pour prouver à son père violent, qui le méprise depuis toujours, qu’il est un homme, un vrai, Matthieu commet un meurtre. Il prend quinze ans de prison. Au lendemain de sa libération, son père est assassiné et le coupable semble tout désigné. Mais aux yeux des enquêteurs, cela ne colle pas : pourquoi Matthieu sacrifierait-il encore sa liberté ? Entre virilité toxique, Odipe délétère, résilience, fiction et réalité, l’inspecteur Cérisol et son équipe vont devoir plonger dans les arcanes de cette terrible relation père-fils.
» Chez Séverac, la chaleur humaine alterne avec la noirceur, et l’humour contraste avec la tragédie poignante de l’amour filial. » Le Monde des Livres » Un polar psychologique remarquable, addictif et terriblement humain. » Le Parisien
Impact
par Olivier Norek
« Virgil Solal entre en guerre, seul, contre des géants ».
Olivier Norek nous surprend à nouveau. Toujours aussi doué et efficace dans la construction de ses intrigues, il aborde avec ce polar les thèmes des multinationales polluantes, l’urgence climatique, l’engagement. Un rythme serré, un polar contemporain et captivant.
Les princes de Sambalpur
par Abir Mukherjee
Deuxième opus très attendu après « L’attaque du Calcutta Darjeeling » !Échouer à prévenir l’assassinat d’un prince n’est pas un fait d’armes dont peuvent s’enorgueillir le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee, de la police de Calcutta.
D’omelettes trop pimentées pour les papilles anglaises au culte de l’étrange dieu Jagannath, en passant par une chasse au tigre à dos d’éléphant, Wyndham et Banerjee seront initiés aux mœurs locales. Mais il leur sera plus compliqué de pénétrer au cœur du zenana, le harem du maharajah, où un certain confinement n’empêche pas toutes sortes de rumeurs de circuler. Au-delà du suspense, une plongée au cœur des petits royaumes de l’Inde traditionnelle des années 1920, et une subtile analyse de l’impossible coexistence entre Britanniques et Indiens.
Coup de cœur : un régal de roman policier historique. Un délicieux mélange d’humour British et d’un Hercule Poirot détonnant. Très documenté, d’une lecture agréable ; de plus l’intrigue est intéressante. Comment passer un excellent moment, sourire aux lèvres, loin de tout.
L’attaque du Calcutta-Darjeeling
par Abir Mukherjee
1919. La Grande Guerre vient de se terminer en Europe. Après cette parenthèse éprouvante, certains Britanniques espèrent retrouver fortune et grandeur dans les lointains pays de l’Empire, et tout particulièrement en Inde. Ancien de Scotland Yard, le capitaine Wyndham débarque à Calcutta et découvre que la ville possède toutes les qualités requises pour tuer un Britannique : chaleur moite, eau frelatée, insectes pernicieux et surtout, bien plus redoutable, la haine croissante des indigènes envers les colons.
Est-ce cette haine qui a conduit à l’assassinat d’un haut fonctionnaire dans une ruelle mal famée, à proximité d’un bordel ? C’est ce que va tenter de découvrir Wyndham, épaulé par un officier indien, le sergent Banerjee. De fumeries d’opium en villas coloniales, du bureau du vice-gouverneur aux wagons d’un train postal, il lui faudra déployer tout son talent de déduction, et avaler quelques couleuvres, avant de réussir à démêler cet imbroglio infernal.
Coup de cœur : un régal de roman policier historique. Un délicieux mélange d’humour British et d’un Hercule Poirot détonnant. Très documenté, d’une lecture agréable ; de plus l’intrigue est intéressante. Comment passer un excellent moment, sourire aux lèvres, loin de tout. Un deuxième opus des enquêtes du capitaine Wyndham est paru : « Les princes de Sambalpur ». Egalement recommandé par votre libraire sous le charme.
Entre fauves
par Colin Niel
Martin est garde au parc national des Pyrénées. Il travaille notamment au suivi des ours. Mais depuis des mois, on n’a plus la moindre trace de Cannellito, le dernier plantigrade avec un peu de sang pyrénéen. Martin en est chaque jour plus convaincu : les chasseurs auront eu la peau de l’animal. Alors, lorsqu’il tombe sur un cliché montrant une jeune femme devant la dépouille d’un lion, arc de chasse en main, il est déterminé à la retrouver et la livrer en pâture à l’opinion publique.
Même si d’elle, il ne connaît qu’un pseudonyme sur les réseaux sociaux : Leg Holas.
Colin Niel quitte la Guyane pour les Pyrénées et la Namibie. Il met tout son talent au service d’une histoire passionnante dont on sent qu’elle le touche. Chasseurs, tartufes de l’écologie, tout le monde en prend pour son grade dans un récit haletant et engagé.
Darktown
par Thomas Mullen
Atlanta, 1948. Le département de police de la ville est contraint de recruter ses premiers agents noirs. Parmi eux, les vétérans de guerre Lucius Boggs et Tommy Smith. Mais dans cette Amérique ségrégationniste, un « officier nègre » n’a le droit ni d’arrêter un suspect, ni de conduire une voiture, ni de mettre les pieds dans les locaux de la police blanche. Quand le cadavre d’une toute jeune femme noire est retrouvé sur un dépotoir, Boggs et Smith décident de mener une enquête officieuse, au péril de leur carrière et de leur vie.
Impressionnant de maîtrise et de réalisme, ce polar décrit une société entravée par le racisme et la haine. Sans jamais sacrifier l’intrigue, qui est prenante de bout en bout, l’auteur est aussi au plus près des personnages. Les contraintes sociales qui sont les leurs ne pourront que vous toucher et on oublie pas de sitôt ces deux agents opiniâtres, à la recherche obstinée de l’assassin de Lily.