Tous les articles par Karine

Le sang des innocents

par S. A. Cosby

Le Sud n’a pas changé. Ce constat, Titus Crown y est confronté au quotidien. Ancien agent du FBI, il est le premier shérif noir à avoir été élu à Charon County, la terre de son enfance. Mais si l’élection de Titus a fait la fierté de son père, elle a surtout provoqué la colère des Blancs, qui ne supportent pas de le voir endosser l’uniforme, et la défiance des Noirs, qui le croient à la solde de l’oppresseur.
Bravant les critiques, Titus tente de faire régner la loi dans un comté rural frappé par la crise des opioïdes et les tensions raciales. Jusqu’au jour où Lattrel, un jeune Noir, tire sur M. Spearman, le prof préféré du lycée, avant de se faire abattre par la police. Fanatisme terroriste, crient les uns. Énième bavure policière, ripostent les autres. A mesure que les dissensions s’exacerbent, Titus est lancé dans une course contre la montre pour découvrir la vérité.

Coup de cœur : très gros coup de cœur pour ce polar génial ! Une intrigue passionnante, sur un fonds social incandescent, des personnages très bien campés. Vous n’êtes pas prêt d’oublier Titus Crown, shérif intègre et torturé, qui est le passeur idéal de l’identité et de l’histoire d’une région. Histoire qui se règle encore à coup de sermons et de menaces mais l’auteur nous fournit quelques armes pour répondre aux nostalgiques du Sud esclavagiste.

Délivrez-nous du bien

par Joan Samson

A Harlowe, paisible communauté rurale du New Hampshire située à quelques heures de boston, la vie suit son cours : les gens travaillent la terre, coupent du bois et achètent ce qu’ils ne peuvent produire. John Moore et les siens vivent un peu à l’écart, et, à leur façon simple et rude, ils sont heureux. Jusqu’au jour où un homme sorti de nulle part – mais qui a bourlingué partout -, un commissaire-priseur au charme diabolique, s’allie au shérif pour organiser des enchères publiques afin de renflouer les caisses de la police locale et pouvoir mieux protéger la commune de la violence rampante des grandes villes.
Les habitants sont habilement amenés à donner ce dont ils ne veulent plus, à se séparer de ce qui les encombre, à vider – encore et encore – leur grenier pour la bonne cause. Mais jusqu’à quand ? Roman sur les rouages infernaux de la dépossession des plus pauvres et des menaces des forces de l’ordre, cette fiction de Joan Samson (1937-1976), à mi-chemin entre le thriller, le nature writing et le grand roman américain, est un conte sensible et terrifiant sur la perte d’identité et le vol des âmes, l’effondrement de la morale face à la loi des marchés et la peur de ceux qui ne possèdent rien ou très peu, qui les conduisent à une forme déroutante de soumission.
Et, ultimement, elle pose l’essentielle mais angoissante question : jusqu’où, exactement, peut-on céder ?

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent

par Maria Larrea

Espagne, juin 1943. Une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon, qu’elle confie aux jésuites. Plus tard, en Galice, une femme accouche d’une fille, qu’elle abandonne dans un couvent. Les deux orphelins connaissent la misère, Franco, mais se rencontrent, se marient et s’installent à Paris. Victoria devient femme de ménage, Julian, gardien du théâtre de la Michodière. Ils auront une enfant, la narratrice.
A vingt-sept ans, Maria croyait s’être affranchie de ses origines : la loge de ses parents, la violence paternelle, les silences maternels… Mais un coup du sort va tout chambouler et l’obliger à fouiller le passé, et Bilbao, où naissent les secrets.

Coup de cœur : Étourdissant de style, d’énergie et de vie, ce premier roman mené tambour battant nous embarque instantanément. Avec maestria, Maria Larrea y recompose pièce à pièce le visage de sa famille et le puzzle de sa mémoire.

Mon oncle d’Australie

par François Garde

« Que serait une famille sans secret de famille ?  » : voici la question qui hante ce livre. Dans la famille Garde se murmure à voix très basse l’histoire de cet oncle Marcel, exilé par son père en Australie en 1900. Pour quel motif ? Nul ne le sait. Désireux de rendre justice à cet inconnu, l’auteur commence par inventer le roman d’aventures de ce banni : son voyage, son arrivée à Sydney, son désarroi, sa résolution de devenir un autre en se forgeant dans cette Terre promise un nouveau destin… Mais rien ne sera comme imaginé.

Coup de cœur : une belle écriture, au service d’une histoire romanesque. Quand l’intime touche à l’universel des destins, il y a un vrai plaisir à se laisser emporter par ce texte.

Les Silences d’Ogliano

par Elena Piacentini

Situé au cœur d’un Sud imaginaire, aux lourds secrets transmis de génération en génération, « Les Silences d’Ogliano » est un roman d’aventures autour de l’accession à l’âge adulte et des bouleversements que ce passage induit. Un roman sur l’injustice d’être né dans un clan plutôt qu’un autre – de faire partie d’une classe, d’une lignée plutôt qu’une autre – et sur la volonté de changer le monde. L’ensemble forme une fresque humaine, une mosaïque de personnages qui se sont tus trop longtemps sous l’omerta de leur famille et de leurs origines. Récompensée par le prix de la Closerie des Lilas 2022.

Coup de cœur  : dans un sud qui pourrait être la Corse ou l’Italie, la trajectoire d’un jeune homme du peuple et les revers du destin, sont admirablement décrits et mis en lumière par l’autrice. À découvrir !

14

par Jean Echenoz

Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état.

Coup de cœur : la brièveté de ce roman n’a d’égale que sa virtuosité. Implacable, captivant, mais aussi intrigant. Découvrez ou redécouvrez ce roman enfin sorti en format poche.

Coffret en 3 volumes

par Pete Fromm

Grands espaces, histoires puissantes où la nature sauvage et la nature humaine se font face.

Coup de cœur : Cadeau incontournable ! Trois Pete Fromm dans un coffret, avec un inédit et des cartes postales.

Blackwater

par Michael McDowell

1919, alors que les flots sombres et menaçants de la rivière Blackwater submergent Perdido, petite ville du nord de l’Alabama, les Caskey, une riche famille de propriétaires, doivent faire face aux innombrables dégâts provoqués la crue. Mené par Mary-Love, la puissante matriarche et par Oscar, son fils dévoué, le clan s’apprête à se relever. Mais c’est sans compter l’arrivée, aussi soudaine que mystérieuse, d’une séduisante étrangère, Elinor , jeune femme au passé trouble, dont le seul dessein semble de vouloir conquérir sa place parmi les Caskey.
Michael McDowell (1950-1999), est le co-créateur des mythiques Beetlejuice et L’Etrange Noël de Monsieur Jack.

Coup de cœur : Cadeau incontournable ! Une saga en six tomes totalement addictive, riche, foisonnante et fascinante ! Un plaisir de lecture inégalé. Michael Mcdowell n’a pas son pareil pour nous prendre dans ses filets. Il est le chaînon manquant entre Alexandre Dumas et Pierre Lemaitre !

Une façon d’aimer

par Dominique Barbéris

« Il n’était pas très grand ; des cheveux bruns, peignés en arrière et crantés, le front haut, une chemisette avec des pattes sur l’épaule. Il sourit en fumant. Puis tendit la main à Madeleine : Vous dansez ? Elle s’excusa : Non, je danse très peu, je ne danse pas bien. Mais il insista et il la tira vers la piste ». Quand Madeleine, beauté discrète et mélancolique des années cinquante, quitte sa Bretagne natale pour suivre son mari au Cameroun, elle se trouve plongée dans un monde étranger, violent et magnifique.
A Douala, lors d’un bal à la Délégation, elle s’éprend d’Yves Prigent, mi-administrateur, mi-aventurier. Mais la décolonisation est en marche et annonce la fin de partie… Tendu entre la province d’après-guerre et une Afrique rêvée, Une façon d’aimer évoque la force de nos désirs secrets et la grâce de certaines rencontres.

Coup de cœur : Par petites touches d’une infinie délicatesse, c’est toute l’épaisseur d’une vie de femme qui se dévoile. La condition féminine et son tragique, les mots d’une époque, l’héritage des aînées ; tout est traité par l’autrice d’une manière éblouissante de vérité et d’émotion.

Vie et mort de Vernon Sullivan

par Dimitri Kantcheloff

Un soir d’été de 1946, Boris Vian parie avec son éditeur qu’il peut écrire un « bestseller américain » qui trompera les critiques. Ce sera « J’irai cracher sur vos tombes », qui paraît sous le nom de Vernon Sullivan dans une « traduction » de Boris Vian. Le livre fait scandale. Dans les caves de St-Germain, on s’interroge et Vian jubile. Hélas, en parallèle, la carrière d’écrivain de Boris ne décolle pas.
L’Ecume des jours est un échec alors que le public redemande du sulfureux, du Sullivan. Vian ne cache ni son amertume, ni sa fatigue.

Coup de cœur : Saint-Germain des Près et ses monstres sacrés : Sartre, Beauvoir … Toute une époque et Boris Vian. Écorché vif et trublion, père aimant, dont la vie est en sursis. Ce roman se tient au plus près de lui et c’est passionnant.