Coups de cœur du rayon Rayons

Une saison pour les ombres

par R. J. Ellory

1972, nord-est du Canada. Dans cette région glaciale où l’hiver dure huit mois, la communauté de Jasperville survit grâce aux mines de fer. Au-delà du village, il n’y a rien qu’une nature hostile. Quand le corps d’une adolescente est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage ; ce sera en tout cas la version officielle. Mais, quelque temps après, une autre jeune fille est retrouvée morte.
Des années plus tard, de retour à Jasperville qui l’a vu grandir, Jack Devereaux comprend peu à peu que les habitants acceptent les mensonges du passé par peur d’affronter une vérité bien trop dérangeante. Un roman troublant de beauté et d’émotion, à classer sans conteste parmi les plus grandes réussites de l’auteur.

Coup de cœur : on retrouve R.J Ellory dans la veine du somptueux « Seul le silence ». Quand l’écriture précise et travaillée vous porte bien au delà d’une énigme ; révélant passions et monde étrange, sentiments forts.

Le sang des innocents

par S. A. Cosby

Le Sud n’a pas changé. Ce constat, Titus Crown y est confronté au quotidien. Ancien agent du FBI, il est le premier shérif noir à avoir été élu à Charon County, la terre de son enfance. Mais si l’élection de Titus a fait la fierté de son père, elle a surtout provoqué la colère des Blancs, qui ne supportent pas de le voir endosser l’uniforme, et la défiance des Noirs, qui le croient à la solde de l’oppresseur.
Bravant les critiques, Titus tente de faire régner la loi dans un comté rural frappé par la crise des opioïdes et les tensions raciales. Jusqu’au jour où Lattrel, un jeune Noir, tire sur M. Spearman, le prof préféré du lycée, avant de se faire abattre par la police. Fanatisme terroriste, crient les uns. Énième bavure policière, ripostent les autres. A mesure que les dissensions s’exacerbent, Titus est lancé dans une course contre la montre pour découvrir la vérité.

Coup de cœur : très gros coup de cœur pour ce polar génial ! Une intrigue passionnante, sur un fonds social incandescent, des personnages très bien campés. Vous n’êtes pas prêt d’oublier Titus Crown, shérif intègre et torturé, qui est le passeur idéal de l’identité et de l’histoire d’une région. Histoire qui se règle encore à coup de sermons et de menaces mais l’auteur nous fournit quelques armes pour répondre aux nostalgiques du Sud esclavagiste.

Délivrez-nous du bien

par Joan Samson

A Harlowe, paisible communauté rurale du New Hampshire située à quelques heures de boston, la vie suit son cours : les gens travaillent la terre, coupent du bois et achètent ce qu’ils ne peuvent produire. John Moore et les siens vivent un peu à l’écart, et, à leur façon simple et rude, ils sont heureux. Jusqu’au jour où un homme sorti de nulle part – mais qui a bourlingué partout -, un commissaire-priseur au charme diabolique, s’allie au shérif pour organiser des enchères publiques afin de renflouer les caisses de la police locale et pouvoir mieux protéger la commune de la violence rampante des grandes villes.
Les habitants sont habilement amenés à donner ce dont ils ne veulent plus, à se séparer de ce qui les encombre, à vider – encore et encore – leur grenier pour la bonne cause. Mais jusqu’à quand ? Roman sur les rouages infernaux de la dépossession des plus pauvres et des menaces des forces de l’ordre, cette fiction de Joan Samson (1937-1976), à mi-chemin entre le thriller, le nature writing et le grand roman américain, est un conte sensible et terrifiant sur la perte d’identité et le vol des âmes, l’effondrement de la morale face à la loi des marchés et la peur de ceux qui ne possèdent rien ou très peu, qui les conduisent à une forme déroutante de soumission.
Et, ultimement, elle pose l’essentielle mais angoissante question : jusqu’où, exactement, peut-on céder ?

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent

par Maria Larrea

Espagne, juin 1943. Une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon, qu’elle confie aux jésuites. Plus tard, en Galice, une femme accouche d’une fille, qu’elle abandonne dans un couvent. Les deux orphelins connaissent la misère, Franco, mais se rencontrent, se marient et s’installent à Paris. Victoria devient femme de ménage, Julian, gardien du théâtre de la Michodière. Ils auront une enfant, la narratrice.
A vingt-sept ans, Maria croyait s’être affranchie de ses origines : la loge de ses parents, la violence paternelle, les silences maternels… Mais un coup du sort va tout chambouler et l’obliger à fouiller le passé, et Bilbao, où naissent les secrets.

Coup de cœur : Étourdissant de style, d’énergie et de vie, ce premier roman mené tambour battant nous embarque instantanément. Avec maestria, Maria Larrea y recompose pièce à pièce le visage de sa famille et le puzzle de sa mémoire.

Mon oncle d’Australie

par François Garde

« Que serait une famille sans secret de famille ?  » : voici la question qui hante ce livre. Dans la famille Garde se murmure à voix très basse l’histoire de cet oncle Marcel, exilé par son père en Australie en 1900. Pour quel motif ? Nul ne le sait. Désireux de rendre justice à cet inconnu, l’auteur commence par inventer le roman d’aventures de ce banni : son voyage, son arrivée à Sydney, son désarroi, sa résolution de devenir un autre en se forgeant dans cette Terre promise un nouveau destin… Mais rien ne sera comme imaginé.

Coup de cœur : une belle écriture, au service d’une histoire romanesque. Quand l’intime touche à l’universel des destins, il y a un vrai plaisir à se laisser emporter par ce texte.

Les Silences d’Ogliano

par Elena Piacentini

Situé au cœur d’un Sud imaginaire, aux lourds secrets transmis de génération en génération, « Les Silences d’Ogliano » est un roman d’aventures autour de l’accession à l’âge adulte et des bouleversements que ce passage induit. Un roman sur l’injustice d’être né dans un clan plutôt qu’un autre – de faire partie d’une classe, d’une lignée plutôt qu’une autre – et sur la volonté de changer le monde. L’ensemble forme une fresque humaine, une mosaïque de personnages qui se sont tus trop longtemps sous l’omerta de leur famille et de leurs origines. Récompensée par le prix de la Closerie des Lilas 2022.

Coup de cœur  : dans un sud qui pourrait être la Corse ou l’Italie, la trajectoire d’un jeune homme du peuple et les revers du destin, sont admirablement décrits et mis en lumière par l’autrice. À découvrir !

14

par Jean Echenoz

Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état.

Coup de cœur : la brièveté de ce roman n’a d’égale que sa virtuosité. Implacable, captivant, mais aussi intrigant. Découvrez ou redécouvrez ce roman enfin sorti en format poche.

Le mage du Kremlin

par Giuliano Da Empoli

Résumé :
On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut une des éminences grises de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…
Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants.  Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.
De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine.

Coup de cœur :
Passionnant de bout en bout, ce roman précis, à l’élégante écriture, n’est pas que le dévoilement des dessous  de l’ère Poutine, il propose aussi une sublime méditation sur le pouvoir, sur notre consentement au pouvoir et sur l’avenir – commun ? – de l’Occident et de la Russie. C’est encore le portrait d’un homme complexe, intelligent et émouvant.

Rebis

par Irene Marchesini

Résumé:
En plein Moyen-Age, Martino a eu le malheur de naître atteint d’albinisme au beau milieu d’une communauté prompte à purifier toute différence par le feu. Rejeté par son père, harcelé par les autres enfants du village, il va devoir prendre les chemins de traverse. En plein cœur de la forêt, Martino fait la connaissance de Viviana, une « sorcière » . Entre exclus, on se reconnaît. Au sein d’une sororité de femmes mis au ban de la société, le jeune garçon va grandir et se révéler à lui-même pour tenter d’accepter sa différence face à l’intolérance de la société.

Coup de cœur :
Un graphisme tendre et lumineux au service d’une fable merveilleuse et cruelle qui nous parle de rejet et de sororité. Une histoire ensorcelante,  pleine de force et de poésie.

L’homme peuplé

par Franck Bouysse

Résumé :
Harry, romancier en panne d’inspiration, achète sur un coup de tête une ferme à l’écart d’un village perdu. C’est l’hiver. La neige et le silence recouvrent tout. Les conditions semblent idéales pour se remettre au travail. Mais Harry se sent vite épié, en proie à un malaise devant les événements étranges qui se produisent. Et si l’inspiration n’était qu’une manière d’accueillir les fantômes ? Un suspense métaphysique somptueusement orchestré où les fatalités familiales rencontrent les chimères d’un grand écrivain.

Coup de cœur :
Roman polyphonique où se mêlent le passé et le présent, les fantômes et les vivants. Un roman bercé de froid, de silence et de solitude, ciselé par l’écriture  profonde et onirique de l’auteur.