Coups de cœur du rayon Polar

La Maison où je suis mort autrefois

par Keigo Higashino

Sayaka Kurahashi va mal. Mariée à un homme d’affaires absent, mère d’une fillette qu’elle maltraite, elle a déjà tenté de mettre fin à ses jours. Et puis il y a cette étonnante amnésie : elle n’a aucun souvenir avant l’âge de cinq ans. Quand, à la mort de son père, elle reçoit une enveloppe contenant une énigmatique clef à tête de lion et un plan sommaire conduisant à une bâtisse isolée dans les montagnes, elle se dit que la maison recèle peut-être le secret de son mal-être et décide de s’y rendre, en compagnie de son ancien petit ami.
Ils découvrent une construction apparemment abandonnée, où toutes les horloges sont arrêtées à la même heure. Dans une chambre d’enfant, ils trouvent le journal intime d’un petit garçon et comprennent peu à peu que cette inquiétante demeure a été le théâtre d’événements tragiques…

Coup de cœur : comme toujours chez Keigo Higashino, beaucoup de délicatesse et un art du suspense au cordeau. Ici pas d’inspecteur ou de crime, la mémoire est l’enquêtrice et la maison est le corps. Elle livre ses secrets un à un. Pour notre plus grand bonheur.

La Colère

par S. A. Cosby

Ike Randolph est noir. Buddy Lee Jenkins est blanc. En Virginie-Occidentale, cela revient à dire que tout les oppose. Ils ont pourtant été tous les deux pareillement lamentables en dénigrant avec la même violence l’homosexualité de leurs fils, maintenant mariés l’un à l’autre. Alors, quand ces fils, Isiah et Derek sont assassinés, la douleur a un goût de culpabilité. Qui a tôt fait de se transformer en colère, une colère viscérale, qui réclame un exutoire.

Coup de cœur : quel talent possède Shawn A. Cosby ! Déjà éblouie par « Le sang des innocents » je me régale à nouveau avec ce texte. Tout est jouissif dans son écriture : le rythme, les dialogues, l’humour, l’incarnation des personnages (formidables d’humanité et de justesse). Il sait parfaitement vous tenir en haleine et parallèlement dresser un portrait sans concession et engagé de l’Amérique. Le tout est génialement imbriqué. C’est Pierre Lemaître aux USA ! Je recommande : un grand auteur est né.

Les soldats de l’aube

par Deon Meyer

Johannes Jacobus Smit, un riche antiquaire, est retrouvé mort, brûlé au chalumeau puis abattu d’une balle dans la nuque. Zatopek van Heerden, dit Zet, ancien flic déchu, se voit confier une mission : retrouver le testament de la victime, afin de permettre à son amie d’hériter de ses biens. Pour la mener à terme, il lui faudra élucider le mystère de ce meurtre et même en percer un second : l’identité réelle de ce marchand…
L’enquête l’entraînera dans les méandres de l’histoire sud-africaine, aux confins de l’Angola, où se croisent crime organisé, guerres fratricides et racisme d’État.

Coup de cœur : nouvelle traduction de ce polar des débuts de Deon Meyer. Toujours aussi bon, tant dans l’intrigue que dans l’écriture et la restitution d’une époque. Personnages et narration impeccables, du grand polar.

Une saison pour les ombres

par R. J. Ellory

1972, nord-est du Canada. Dans cette région glaciale où l’hiver dure huit mois, la communauté de Jasperville survit grâce aux mines de fer. Au-delà du village, il n’y a rien qu’une nature hostile. Quand le corps d’une adolescente est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage ; ce sera en tout cas la version officielle. Mais, quelque temps après, une autre jeune fille est retrouvée morte.
Des années plus tard, de retour à Jasperville qui l’a vu grandir, Jack Devereaux comprend peu à peu que les habitants acceptent les mensonges du passé par peur d’affronter une vérité bien trop dérangeante. Un roman troublant de beauté et d’émotion, à classer sans conteste parmi les plus grandes réussites de l’auteur.

Coup de cœur : on retrouve R.J Ellory dans la veine du somptueux « Seul le silence ». Quand l’écriture précise et travaillée vous porte bien au delà d’une énigme ; révélant passions et monde étrange, sentiments forts.

Le sang des innocents

par S. A. Cosby

Le Sud n’a pas changé. Ce constat, Titus Crown y est confronté au quotidien. Ancien agent du FBI, il est le premier shérif noir à avoir été élu à Charon County, la terre de son enfance. Mais si l’élection de Titus a fait la fierté de son père, elle a surtout provoqué la colère des Blancs, qui ne supportent pas de le voir endosser l’uniforme, et la défiance des Noirs, qui le croient à la solde de l’oppresseur.
Bravant les critiques, Titus tente de faire régner la loi dans un comté rural frappé par la crise des opioïdes et les tensions raciales. Jusqu’au jour où Lattrel, un jeune Noir, tire sur M. Spearman, le prof préféré du lycée, avant de se faire abattre par la police. Fanatisme terroriste, crient les uns. Énième bavure policière, ripostent les autres. A mesure que les dissensions s’exacerbent, Titus est lancé dans une course contre la montre pour découvrir la vérité.

Coup de cœur : très gros coup de cœur pour ce polar génial ! Une intrigue passionnante, sur un fonds social incandescent, des personnages très bien campés. Vous n’êtes pas prêt d’oublier Titus Crown, shérif intègre et torturé, qui est le passeur idéal de l’identité et de l’histoire d’une région. Histoire qui se règle encore à coup de sermons et de menaces mais l’auteur nous fournit quelques armes pour répondre aux nostalgiques du Sud esclavagiste.

Sans preuve & sans aveu

par Philippe Jaenada

« Pendant que je fais des phrases, un homme fermente dans une cellule ». Philippe Jaenada Alain Laprie a été condamné à 15 ans de prison pour le meurtre de sa tante. La justice pénale a tranché. Sur la base d’un dossier vide, ne contenant aucune preuve tangible, elle a privé l’homme de sa liberté et l’a séparé des siens. A travers cet exemple, dont il décortique avec la minutie qu’on lui connaît chacun des éléments, Philippe Jaenada dresse un vibrant réquisitoire contre les dysfonctionnements inacceptables d’un système policier et judiciaire qui, par manque de moyens et de détermination, se délite sous nos yeux dans l’indifférence générale.
Philippe Jaenada est un écrivain majeur de la littérature contemporaine. Son inimitable autodérision s’entremêlent avec grâce à la puissance de ses livres. La Serpe a reçu le prix Femina 2017. Ses romans sont disponibles chez Points. Postface inédite de l’auteur.

Coup de cœur : écrivain engagé dans  la résolution de meurtres aux tenants complexes ; homme s’interrogeant sans cesse sur l’injustice et les vies brisées. Une nouvelle fois il retrace avec brio et rigueur une affaire ténébreuse et met tout le talent de son écriture au service d’un homme que tout, ou plutôt rien, n’accuse.

Sur un os

par Ricardo Elias

L’emprisonnement commençant à leur taper sur le système, une poignée de détenus décident de se faire la belle en creusant un tunnel. Rien d’original à cela, sauf qu’en route, ils tombent sur un os, ou plutôt sur une collection d’os qui, réunis, forment un parfait squelette de rarissime dinosaure. De taulards, les voilà qui se muent en archéologues amateurs, tandis que leur secret se répand dans une prison gagnée par la passion de la paléontologie.
C’est évidemment sans compter sur l’administration où la méchanceté des matons le dispute à la bêtise du directeur.

Où l’on découvre qu’il est risqué de contrarier des prisonniers qui ont sorti leurs têtes du gouffre de l’ennui en découvrant les vertiges de la culture.

Coup de cœur : roman noir complètement atypique, fable caustique, « Sur un os » est très divertissant et sa galerie de prisonniers en quête de savoir est parfaitement improbable et réjouissante.

Lorsque tous trahiront

par Pierre Olivier

Février 1945. Dans les petites villes autour de Sigmaringen, les Français partisans du régime nazi se rassemblent. Miliciens en déroute, collabos en exil, chacun essaie de faire les bonnes alliances pour tirer son épingle du jeu et éviter les tribunaux militaires. Sur une route de campagne, Jacques Doriot, un des chefs collaborationnistes réfugiés en Allemagne, est tué dans le mitraillage de sa voiture par un avion non identifié. Et si le « Grand Jacques » avait été victime d’un complot, liquidé par ses amis ? Un jeune lieutenant se trouve être l’un des premiers témoins de l’affaire et va être chargé de comprendre qui avait intérêt à cette mort. Mais dans cette période trouble, encore faut-il savoir à qui se fier et débusquer les traîtres.

Coup de cœur : diablement efficace, ce livre à la croisée du roman noir et du livre d’espionnage se lit d’une traite et vous balade de traîtrise en traîtrise.

Edité par Coédition La Manufacture de Livres/KonfidentPrix : 16.9 €Paru le jeudi 12 octobre 2023Coups de cœur, Polar

Le cygne et la chauve-souris

par Keigo Higashino

Le cadavre d’un homme est retrouvé dans une voiture à Tokyo. Il a sur lui son portefeuille, qui contient une importante somme d’argent, mais son téléphone est retrouvé, souillé de sang, dans un autre quartier de la ville. Higashino est ici au sommet de son art, dans une histoire à multiples rebondissements, pour un roman passionnant qui lui fournit une nouvelle occasion de faire preuve de sa capacité à tenir le lecteur en haleine sans jamais se départir de son profond humanisme.

La promesse

par Friedrich Dürrenmatt

Dans un bois des environs de Zurich, la petite Gretl Moser vient d’être assassinée. Confronté au terrible regard d’une mère dévastée, le commissaire Matthias promet de trouver le meurtrier. La police arrête un potentiel coupable, qui avoue avant de se suicider, mais Matthias est persuadé que le véritable tueur court toujours. Hanté par cette affaire, il décide de le traquer seul, en lui tendant un piège aux conséquences tragiques.
Une promesse est une promesse, mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?

Coup de cœur : un classique à découvrir. Une enquête hors du temps, aux confins de l’obsession. L’auteur nous enveloppe dans une atmosphère particulière, qui sert la force de son histoire. Une histoire tragique et poignante. Toutes les descriptions sont à dessein et servent un beau texte. Le commissaire Matthias restera dans vos esprits …