Quand tu écouteras cette chanson

par Lola Lafon

« Le 18 août 2021, j’ai passé la nuit au musée Anne Frank, dans l’Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu’il n’en sait pas grand-chose. Comment l’appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment ? Est-ce un témoignage, un testament, une oeuvre ? Celle d’une jeune fille, qui n’aura pour tout voyage qu’un escalier à monter et à descendre, moins d’une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant.
La nuit, je l’imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J’imaginais la nuit propice à accueillir l’absence d’Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s’est habitée, éclairée de reflets ; au coeur de l’Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver ».

Coup de cœur :  ce livre magnifique nous transporte. Sa qualité littéraire, tout le talent de narratrice de Lola Lafon en font un texte unique et nécessaire.

L’inventeur

par Miguel Bonnefoy

France, milieu du XIXe siècle. Voici l’étonnante histoire d’Augustin Mouchot, fils de serrurier de Semur-en-Auxois, obscur professeur de mathématiques, devenu inventeur de l’énergie solaire grâce à la découverte d’un vieux livre dans sa bibliothèque. La machine qu’il construit et surnomme Octave séduit Napoléon III et recueille l’assentiment des autorités et de la presse. Elle est exhibée avec succès à l’Exposition universelle de Paris en 1878.
Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine ses projets que l’on juge trop coûteux. Après moult péripéties, dans un ultime élan, Mouchot tente de faire revivre le feu de sa découverte sous le soleil d’Algérie. Trahi par un collaborateur qui lui vole son brevet, il finit dans la misère, précurseur sans le savoir d’une énergie du futur.

Coup de cœur : jamais déçues ! Nous voici à nouveau à décerner avec jubilation un coup de cœur à  la prose de Miguel Bonnefoy. Son talent pour la fiction, ses histoires qu’on a envie de suivre jusqu’au bout du monde ou jusqu’au bout de la passion ;  servies par une langue riche, précise et imagée. Un régal, encore et toujours.

Voyageur malgré lui

par Minh Tran Huy

Un mois d’août à New York, Line découvre dans un musée l’existence d’Albert Dadas, l’une des premières personnes atteintes de la « folie du fugueur », cette étrange maladie qui le poussa à plusieurs reprises, à errer, sans souvenirs de la volonté même de ce départ. L’occasion pour Line de s’ouvrir à tant d’autres parcours, d’autres exilés, volontaires ou non. Et de conter leur trajectoire, leur quête d’une terre d’accueil et d’une identité à composer.
C’est aussi une poignante déclaration d’amour au père, lui-même « Voyageur malgré lui », celui par qui tout a commencé.

Coup de cœur : d’une grande qualité d’écriture, ce roman est dans la lignée des beaux textes, mélancoliques et profonds, de Minh Tran Huy.

Trust

par Hernán Diaz

« New York enflait de l’optimisme tapageur de ceux qui croient avoir pris de vitesse le futur ». Nous sommes dans les années 1930, la Grande Dépression frappe l’Amérique de plein fouet. Un homme, néanmoins, a su faire fortune là où tous se sont effondrés. Héritier d’une famille d’industriels devenu magnat de la finance, il est l’époux aimant d’une fille d’aristocrates.
Ils forment un couple que la haute société new-yorkaise rêve de côtoyer, mais préfèrent vivre à l’écart et se consacrer, lui à ses affaires, elle à sa maison et à ses œuvres de bienfaisance. Tout semble si parfait chez les heureux du monde… Pourtant, le vernis s’écaille, et le lecteur est pris dans un jeu de piste.

Coup de cœur : la géniale sensation d’être baladé par l’auteur et de comprendre au fur et à mesure de la lecture. Une architecture virtuose, une construction narrative géniale, au service d’une histoire passionnante, le tout servi dans un style élégant et précis. Ne vous demandez pas pourquoi Hernan Diaz a eu le Pulitzer pour ce livre !

Portrait huaco

par Gabriela Wiener

Ici, vous allez trouver un arrière-arrière-grand-père pilleur d’objets Incas au XIXe siècle, la mort d’un père aimant qui avait une double vie, une femme curieuse et résolue qui vit une relation polyamoureuse brinquebalante.

Cela commence avec un choc : la narratrice visite le Musée du quai Branly et regarde une pièce où elle croit se voir : c’est un portrait huaco, une statuette de céramique préhispanique représentant un visage indigène avec le plus de réalisme possible. Et la salle d’exposition porte le nom de son aïeul, Charles Wiener. Un explorateur français connu entre autres pour avoir « failli » découvrir Machu Picchu.
Coup de cœur : passionnant par son sujet, brillant dans l’écriture, pas un mot de trop dans ce formidable roman qui pourtant brasse bien des sujets. De l’aïeul « explorateur » pilleur, homme tragiquement de son époque, à la narratrice qui questionne l’amour, la filiation, le métissage, les migrations … tout sonne juste, écrit dans une belle langue. Passionnant !

Le sniper, le Président et la triade

par Kuo-li Chang

Candidat à sa propre réélection, le président Hsü Huo-sheng est blessé alors qu’il remonte la bruyante rue Huayin à bord de sa Jeep de campagne customisée. Périmètre bouclé et premières constatations : deux cartouches vides de fusil de guerre ont été retrouvées dans une chambre d’hôtel tandis qu’on a deux balles de pistolet artisanal, l’une en cuivre et l’autre en plomb, auprès de la victime. Ça ne colle pas…
Le rival de Hsü, qui devance celui-ci de quelques points dans les sondages, charge l’ancien inspecteur Wu d’enquêter. Naturellement, Wu va fouiner du côté des triades. La complicité du sniper Ai Li, cuistot clandestin dans un boui-boui de Taipei, ne sera pas de trop. Or ce dernier est contraint de prendre la fuite car on essaie de lui mettre l’attentat sur le dos.

Sauvage

par Julia Kerninon

Résumé :
A Rome, Ottavia Selvaggio a décidé à quinze ans d’être maîtresse de son destin. Ni ses histoires d’amour, ni le mariage, ni même la maternité ne la font dévier de sa route. Pendant que son mari s’occupe de leurs enfants, elle invente dans son restaurant une cuisine qui ne doit rien à personne. En robe noire et sans frémir, Ottavia avance droit, jusqu’au jour où un homme surgit du passé avec un aveu qui la pousse à douter de ses décisions.
Comment être certaine d’avoir choisi sa vie ? Le désir a-t-il une fin ?

Coup de cœur :
Un roman profond, intime et délicat, tracé d’une écriture claire, qui tisse le portrait d’une femme intense éprise de liberté.

Veiller sur elle

par Jean-Baptiste Andrea

Résumé :
Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains. Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d’une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l’ombre d’un palais génois. Mais elle a trop d’ambition pour se résigner à la place qu’on lui assigne.
Ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer. Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l’autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l’Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s’il doit perdre Viola ? Un roman plein de fougue et d’éclats, habité par la grâce et la beauté.

Coup de cœur :
Un amour impossible, une statue gardée secrète, le destin magnifique de deux êtres qui n’auraient jamais dû se rencontrer.
Ce quatrième roman poétique et envoutant est follement romanesque. J.B. Andrea est un conteur exceptionnel !

Triste tigre

par Neige Sinno

J’ai voulu y croire, j’ai voulu rêver que le royaume de la littérature m’accueillerait comme n’importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l’art, on ne peut pas sortir vainqueur de l’abjection. La littérature ne m’a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée.

Les dents de lait

par Helene Bukowski

Résumé :
Skalde et sa mère Edith vivent dans leur maison isolée à l’orée de la forêt. L’adolescente n’a jamais vu le bleu du ciel : leur région est en proie au brouillard et à la sécheresse depuis si longtemps. Les derniers habitants du coin, après avoir fait sauter l’unique pont qui les reliait au reste du monde, espèrent ainsi que leur autarcie volontaire les protègera du chaos. Un jour, Skalde découvre dans une clairière une enfant à la chevelure rouge feu.
D’où vient-elle ? Comment a-t-elle pu arriver jusqu’ici ? Consciente de sa transgression, l’adolescente recueille la petite fille, sous le regard méfiant de sa mère Edith. Car les deux femmes ne se sont jamais vraiment intégrées à cette communauté pétrie de peurs et de superstitions. Tandis que les villageois s’organisent, le trio devra bientôt faire face à une véritable chasse aux sorcières.

Coup de cœur : roman initiatique (dystopique) inquiétant et troublant. La narration à la première personne vous saisit et vous accompagne sur des chapitres courts, sous la plume ciselée et envoutante de cette toute jeune autrice. L’histoire et les personnages vont vous habiter bien après la fin de votre lecture. Un coup de maître pour un premier roman !