Coups de cœur du rayon Littérature

française et étrangère

Les demeurées

par Jeanne Benameur

Résumé

La mère, La Varienne, c’est l’idiote du village. La petite, c’est Luce. Quelque chose en elle s’est arrêté. Pourtant, à deux, elles forment un bloc d’amour. Invincible. L’école menace cette fusion. L’institutrice, Mademoiselle Solange, veut arracher l’enfant à l’ignorance, car le savoir est obligatoire. Mais peut-on franchir indemne le seuil de ce monde ?
L’art de l’épure, quintessence d’émotion, tel est le secret des Demeurées.
Jeanne Benameur, en dentellière, pose les mots avec une infinie pudeur et ceux-ci viennent se nouer dans la gorge.

Coup de Cœur

Autant de subtilité, d’intimité, de compréhension que la perception de chacun change tout et peut provoquer des tsunamis… tout ça en si peu de pages !

Comment une enseignante qui veut aider une enfant, la met en porte à faux vis à vis de sa mère, de sa vie, d’elle-même… Comment dans le silence de cette vie fusionnelle entre cette mère muette et cette petite fille, les relations extérieures vont apporter quelque chose de nouveau… Finalement qui est « demeurée » dans cette histoire ?

« On ne fait pas accéder les êtres aux savoirs malgré eux…Cela ne serait pas du bonheur et apprendre est une joie, avant tout une joie… Comme elle a été naïve de croire qu’elle pouvait apporter à un être quelque chose de plus ! La petite est comblée. De tout temps comblée… »

L’origine des larmes

par Jean-Paul Dubois

Résumé :
Paul a commis l’irréparable : il a tué son père. Seulement voilà : quand il s’est décidé à passer à l’acte, Thomas Lanski était déjà mort… de mort naturelle. Il ne faudra rien de moins qu’une obligation de soins pendant un an pour démêler les circonstances qui ont conduit Paul à ce parricide dont il n’est pas vraiment l’auteur.

Coup de Cœur :
Comédie noire, drame burlesque, Jean-Paul Dubois excelle toujours dans l’art de nous conter ces histoires douces-amères d’hommes blessés.

Taipei pianissimo

par Chiang-Sheng Kuo

« Le vent de ces années soufflait des rides sur l’eau, je fermai les yeux, rentré en moi-même, je laissai mes mains trouver dans le noir leur position sur le clavier. Je frappai la première note de la sonate. »
Un veuf qui pleure une musicienne. Un accordeur de piano qui cache une vie de secrets. Un piano Steinway désaccordé. Un voyage à la découverte de soi à travers le temps et les continents, d’une maison d’enfance dans une ruelle de Taipei à New York sous la neige.
Quelle trahison et quel chagrin d’amour ont poussé un jeune prodige de la musique à renoncer à la grandeur ? La beauté naît-elle sur scène, sous les mains du pianiste, ou se cache-t-elle dans l’âme du piano ?
Taipei pianissimo a décroché tous les plus grands prix littéraires de Taïwan en 2020.

Coup de cœur : voici un roman d’une poésie envoûtante. Il distille une nostalgie mystérieuse, teintée des sentiments liés à la musique. Bruissant de silences, de notes, d’accord parfait et d’amour tu, ce texte ne laisse pas indifférent.

La Maison où je suis mort autrefois

par Keigo Higashino

Sayaka Kurahashi va mal. Mariée à un homme d’affaires absent, mère d’une fillette qu’elle maltraite, elle a déjà tenté de mettre fin à ses jours. Et puis il y a cette étonnante amnésie : elle n’a aucun souvenir avant l’âge de cinq ans. Quand, à la mort de son père, elle reçoit une enveloppe contenant une énigmatique clef à tête de lion et un plan sommaire conduisant à une bâtisse isolée dans les montagnes, elle se dit que la maison recèle peut-être le secret de son mal-être et décide de s’y rendre, en compagnie de son ancien petit ami.
Ils découvrent une construction apparemment abandonnée, où toutes les horloges sont arrêtées à la même heure. Dans une chambre d’enfant, ils trouvent le journal intime d’un petit garçon et comprennent peu à peu que cette inquiétante demeure a été le théâtre d’événements tragiques…

Coup de cœur : comme toujours chez Keigo Higashino, beaucoup de délicatesse et un art du suspense au cordeau. Ici pas d’inspecteur ou de crime, la mémoire est l’enquêtrice et la maison est le corps. Elle livre ses secrets un à un. Pour notre plus grand bonheur.

Trois femmes dans la vie de Vincent van Gogh

par Mika Biermann

Sur Vincent Van Gogh, tout a été dit. Que rajouter encore ? Peut-être ces trois moments, trois rencontres de trois femmes en trois épisodes décisifs de la vie du peintre : l’enfance, l’âge mûr, le dernier jour – une balle dans le ventre.

Mika Biermann sublime son écriture pour offrir ici un tableau en peinture fraîche de ces instants volés, peut-être fondateurs, peut-être pas. Dans tous les cas un bijou, un bonheur de lecture, une médiation en actes sur l’art et ses tromperies magnifiques.

Coup de cœur : une écriture enchanteresse, trois portraits sublimes, un régal de lecture. Malgré tout c’est trop court ! Après le vibrant « Trois jours dans la vie de Paul Cézanne », qui fut un coup de cœur également, je vous invite à lire à nouveau Mika Biermann.

King Kasaï

par Christophe Boltanski

King Kasaï est le nom d’un éléphant empaillé qui fut longtemps le symbole du Musée royal de l’Afrique centrale, situé près de Bruxelles. C’est devant le « roi du Kasaï » et près d’un Léopold II à la gloire déboulonnée, dans cette ancienne vitrine du projet colonial belge aujourd’hui rebaptisée Africa Museum, que Christophe Boltanski passe la nuit. En partant sur les traces du chasseur qui participa à la vaste expédition zoologique du Musée et abattit l’éléphant en 1956, l’auteur s’aventure au cœur des plus violentes ténèbres, celles de notre mémoire.

Coup de cœur  : dans la géniale collection « Une nuit au musée », encore un opus particulièrement intéressant et bien écrit. Sur les traces de Joseph Conrad, l’auteur s’aventure au cœur des plus violentes ténèbres et au point de rencontre des mémoires et des époques.  Le soin porté au style et à l’écriture est à la hauteur du sujet.

La Colère

par S. A. Cosby

Ike Randolph est noir. Buddy Lee Jenkins est blanc. En Virginie-Occidentale, cela revient à dire que tout les oppose. Ils ont pourtant été tous les deux pareillement lamentables en dénigrant avec la même violence l’homosexualité de leurs fils, maintenant mariés l’un à l’autre. Alors, quand ces fils, Isiah et Derek sont assassinés, la douleur a un goût de culpabilité. Qui a tôt fait de se transformer en colère, une colère viscérale, qui réclame un exutoire.

Coup de cœur : quel talent possède Shawn A. Cosby ! Déjà éblouie par « Le sang des innocents » je me régale à nouveau avec ce texte. Tout est jouissif dans son écriture : le rythme, les dialogues, l’humour, l’incarnation des personnages (formidables d’humanité et de justesse). Il sait parfaitement vous tenir en haleine et parallèlement dresser un portrait sans concession et engagé de l’Amérique. Le tout est génialement imbriqué. C’est Pierre Lemaître aux USA ! Je recommande : un grand auteur est né.

American Rust

par Philipp Meyer

Une petite ville de Pennsylvanie, jadis haut lieu de la sidérurgie, aujourd’hui à l’agonie. Isaac, vingt ans, est désormais seul pour s’occuper de son père invalide, sans pour autant renoncer à son rêve d’étudier à Berkeley. Avec l’aide de son meilleur ami Billy, ancienne star de l’équipe de football locale, il se décide à prendre la route, direction la Californie. Mais un mauvais hasard, et le drame qui s’ensuit, vont faire voler en éclats leur fragile avenir.
Mêlant la tragédie et le portrait d’une Amérique en crise, American Rust est une bouleversante histoire de loyauté et de rédemption. Réédité dans une traduction révisée, ce roman, paru en 2010 sous le titre Un arrière-goût de rouille, annonçait déjà l’immense talent de Philipp Meyer, révélé quatre ans plus tard par son chef-d’œuvre Le Fils.

Crépuscule

par Philippe Claudel

Résumé:
Aux frontières de l’Empire sommeille une province minérale où le rythme lent des grands hivers engourdit les habitants d’une petite ville ordinaire. Un matin, le Curé est découvert la tête fracassée à coups de pierres. Qui pouvait à ce point lui en vouloir dans cette bourgade où, jusque-là, les communautés religieuses avaient vécu en bonne entente ? L’enquête est confiée à Nourio, le Policier trop souvent gouverné par ses passions et qui méprise Baraj, son Adjoint, bon géant placide à l’âme de poète.
Mais l’Empire a-t-il intérêt à ce que l’on découvre le véritable assassin ? De suspens en rebondissements, l’intrigue policière se double d’une réflexion magistrale sur la nature humaine. Lorsque les peuples et les États sont malmenés, comment s’écrit ou se réécrit l’Histoire ? Et que peuvent les hommes face à son cours impétueux ?

Coup de cœur :
Une fable sombre, cruelle et magnifique qui sonde la noirceur de l’âme humaine, l’intolérance et le vice. Dans la veine de « Les âmes grises » et « Le rapport de Brodeck » Claudel nous immerge dans un univers froid, humide et poisseux. La force de sa narration et sa plume éblouissante sauverons ceux qui doivent l’être, le lecteur inclus !

555

par Hélène Gestern

Hélène Gestern nous entraîne dans le monde de la musique, des clavecinistes, de la lutherie, avec une puissance qui lui appartient. C’est en défaisant la doublure d’un étui à violoncelle que Grégoire Coblence, associé d’un luthier, découvre une partition ancienne.
Après l’avoir fait déchiffrer, il acquiert la certitude qu’elle a été écrite par Domenico Scarlatti, le plus illustre des compositeurs pour clavecin. Mais la partition disparaît. Cinq êtres, dont l’existence est intimement liée à l’œuvre du musicien, se lancent alors à corps perdu à la recherche du précieux document. lls sont amenés à questionner leur passé, leurs amours, leurs espérances et leurs erreurs. Scarlatti, compositeur génial aux 555 sonates, est le fil conducteur de ce roman.

Coup de cœur : j’attends toujours avec impatience les romans d’Hélène Gestern. Tant de délicatesse dans l’écriture et dans l’expression des sentiments, tant de talent dans l’art de broder une histoire et de nous tenir suspendus à ses fils. Ce dernier roman de déroge pas à la règle et le plaisir de lecture est toujours là. À tous les chanceux qui ne connaissent pas encore son œuvre et vont la découvrir je recommanderais plus particulièrement « Eux sur la photo », « Portrait d’après blessure » et « L’odeur de la forêt ». Bonne lecture !