Coups de cœur du rayon Littérature

française et étrangère

La Colère

par S. A. Cosby

Ike Randolph est noir. Buddy Lee Jenkins est blanc. En Virginie-Occidentale, cela revient à dire que tout les oppose. Ils ont pourtant été tous les deux pareillement lamentables en dénigrant avec la même violence l’homosexualité de leurs fils, maintenant mariés l’un à l’autre. Alors, quand ces fils, Isiah et Derek sont assassinés, la douleur a un goût de culpabilité. Qui a tôt fait de se transformer en colère, une colère viscérale, qui réclame un exutoire.

Coup de cœur : quel talent possède Shawn A. Cosby ! Déjà éblouie par « Le sang des innocents » je me régale à nouveau avec ce texte. Tout est jouissif dans son écriture : le rythme, les dialogues, l’humour, l’incarnation des personnages (formidables d’humanité et de justesse). Il sait parfaitement vous tenir en haleine et parallèlement dresser un portrait sans concession et engagé de l’Amérique. Le tout est génialement imbriqué. C’est Pierre Lemaître aux USA ! Je recommande : un grand auteur est né.

American Rust

par Philipp Meyer

Une petite ville de Pennsylvanie, jadis haut lieu de la sidérurgie, aujourd’hui à l’agonie. Isaac, vingt ans, est désormais seul pour s’occuper de son père invalide, sans pour autant renoncer à son rêve d’étudier à Berkeley. Avec l’aide de son meilleur ami Billy, ancienne star de l’équipe de football locale, il se décide à prendre la route, direction la Californie. Mais un mauvais hasard, et le drame qui s’ensuit, vont faire voler en éclats leur fragile avenir.
Mêlant la tragédie et le portrait d’une Amérique en crise, American Rust est une bouleversante histoire de loyauté et de rédemption. Réédité dans une traduction révisée, ce roman, paru en 2010 sous le titre Un arrière-goût de rouille, annonçait déjà l’immense talent de Philipp Meyer, révélé quatre ans plus tard par son chef-d’œuvre Le Fils.

Crépuscule

par Philippe Claudel

Résumé:
Aux frontières de l’Empire sommeille une province minérale où le rythme lent des grands hivers engourdit les habitants d’une petite ville ordinaire. Un matin, le Curé est découvert la tête fracassée à coups de pierres. Qui pouvait à ce point lui en vouloir dans cette bourgade où, jusque-là, les communautés religieuses avaient vécu en bonne entente ? L’enquête est confiée à Nourio, le Policier trop souvent gouverné par ses passions et qui méprise Baraj, son Adjoint, bon géant placide à l’âme de poète.
Mais l’Empire a-t-il intérêt à ce que l’on découvre le véritable assassin ? De suspens en rebondissements, l’intrigue policière se double d’une réflexion magistrale sur la nature humaine. Lorsque les peuples et les États sont malmenés, comment s’écrit ou se réécrit l’Histoire ? Et que peuvent les hommes face à son cours impétueux ?

Coup de cœur :
Une fable sombre, cruelle et magnifique qui sonde la noirceur de l’âme humaine, l’intolérance et le vice. Dans la veine de « Les âmes grises » et « Le rapport de Brodeck » Claudel nous immerge dans un univers froid, humide et poisseux. La force de sa narration et sa plume éblouissante sauverons ceux qui doivent l’être, le lecteur inclus !

555

par Hélène Gestern

Hélène Gestern nous entraîne dans le monde de la musique, des clavecinistes, de la lutherie, avec une puissance qui lui appartient. C’est en défaisant la doublure d’un étui à violoncelle que Grégoire Coblence, associé d’un luthier, découvre une partition ancienne.
Après l’avoir fait déchiffrer, il acquiert la certitude qu’elle a été écrite par Domenico Scarlatti, le plus illustre des compositeurs pour clavecin. Mais la partition disparaît. Cinq êtres, dont l’existence est intimement liée à l’œuvre du musicien, se lancent alors à corps perdu à la recherche du précieux document. lls sont amenés à questionner leur passé, leurs amours, leurs espérances et leurs erreurs. Scarlatti, compositeur génial aux 555 sonates, est le fil conducteur de ce roman.

Coup de cœur : j’attends toujours avec impatience les romans d’Hélène Gestern. Tant de délicatesse dans l’écriture et dans l’expression des sentiments, tant de talent dans l’art de broder une histoire et de nous tenir suspendus à ses fils. Ce dernier roman de déroge pas à la règle et le plaisir de lecture est toujours là. À tous les chanceux qui ne connaissent pas encore son œuvre et vont la découvrir je recommanderais plus particulièrement « Eux sur la photo », « Portrait d’après blessure » et « L’odeur de la forêt ». Bonne lecture !

Seule en sa demeure

par Cécile Coulon

Un thriller sur l’amour et le désir. Aimée est mariée à Candre Marchère, riche propriétaire et homme de foi. Mais tandis qu’elle tente d’apprendre à être une femme et une épouse, le doute en elle s’insinue. Cette demeure semble renfermer des secrets. Son époux est-il vraiment honnête avec elle? Qu’est-il vraiment arrivé à sa première femme ? Le malaise monte dans cette demeure où elle se sent enfermée.

Coup de cœur : d’une plume fine et musicale, l’autrice réinvente le conte gothique. Au cœur d’une forêt sombre et étouffante, entre les murs d’un manoir inquiétant, Cécile Coulon dénoue l’écheveau des secrets enfouis de la famille Marchère.
Une autrice phare, un roman envoutant !

Une saison pour les ombres

par R. J. Ellory

1972, nord-est du Canada. Dans cette région glaciale où l’hiver dure huit mois, la communauté de Jasperville survit grâce aux mines de fer. Au-delà du village, il n’y a rien qu’une nature hostile. Quand le corps d’une adolescente est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage ; ce sera en tout cas la version officielle. Mais, quelque temps après, une autre jeune fille est retrouvée morte.
Des années plus tard, de retour à Jasperville qui l’a vu grandir, Jack Devereaux comprend peu à peu que les habitants acceptent les mensonges du passé par peur d’affronter une vérité bien trop dérangeante. Un roman troublant de beauté et d’émotion, à classer sans conteste parmi les plus grandes réussites de l’auteur.

Coup de cœur : on retrouve R.J Ellory dans la veine du somptueux « Seul le silence ». Quand l’écriture précise et travaillée vous porte bien au delà d’une énigme ; révélant passions et monde étrange, sentiments forts.

Délivrez-nous du bien

par Joan Samson

A Harlowe, paisible communauté rurale du New Hampshire située à quelques heures de boston, la vie suit son cours : les gens travaillent la terre, coupent du bois et achètent ce qu’ils ne peuvent produire. John Moore et les siens vivent un peu à l’écart, et, à leur façon simple et rude, ils sont heureux. Jusqu’au jour où un homme sorti de nulle part – mais qui a bourlingué partout -, un commissaire-priseur au charme diabolique, s’allie au shérif pour organiser des enchères publiques afin de renflouer les caisses de la police locale et pouvoir mieux protéger la commune de la violence rampante des grandes villes.
Les habitants sont habilement amenés à donner ce dont ils ne veulent plus, à se séparer de ce qui les encombre, à vider – encore et encore – leur grenier pour la bonne cause. Mais jusqu’à quand ? Roman sur les rouages infernaux de la dépossession des plus pauvres et des menaces des forces de l’ordre, cette fiction de Joan Samson (1937-1976), à mi-chemin entre le thriller, le nature writing et le grand roman américain, est un conte sensible et terrifiant sur la perte d’identité et le vol des âmes, l’effondrement de la morale face à la loi des marchés et la peur de ceux qui ne possèdent rien ou très peu, qui les conduisent à une forme déroutante de soumission.
Et, ultimement, elle pose l’essentielle mais angoissante question : jusqu’où, exactement, peut-on céder ?

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent

par Maria Larrea

Espagne, juin 1943. Une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon, qu’elle confie aux jésuites. Plus tard, en Galice, une femme accouche d’une fille, qu’elle abandonne dans un couvent. Les deux orphelins connaissent la misère, Franco, mais se rencontrent, se marient et s’installent à Paris. Victoria devient femme de ménage, Julian, gardien du théâtre de la Michodière. Ils auront une enfant, la narratrice.
A vingt-sept ans, Maria croyait s’être affranchie de ses origines : la loge de ses parents, la violence paternelle, les silences maternels… Mais un coup du sort va tout chambouler et l’obliger à fouiller le passé, et Bilbao, où naissent les secrets.

Coup de cœur : Étourdissant de style, d’énergie et de vie, ce premier roman mené tambour battant nous embarque instantanément. Avec maestria, Maria Larrea y recompose pièce à pièce le visage de sa famille et le puzzle de sa mémoire.

Mon oncle d’Australie

par François Garde

« Que serait une famille sans secret de famille ?  » : voici la question qui hante ce livre. Dans la famille Garde se murmure à voix très basse l’histoire de cet oncle Marcel, exilé par son père en Australie en 1900. Pour quel motif ? Nul ne le sait. Désireux de rendre justice à cet inconnu, l’auteur commence par inventer le roman d’aventures de ce banni : son voyage, son arrivée à Sydney, son désarroi, sa résolution de devenir un autre en se forgeant dans cette Terre promise un nouveau destin… Mais rien ne sera comme imaginé.

Coup de cœur : une belle écriture, au service d’une histoire romanesque. Quand l’intime touche à l’universel des destins, il y a un vrai plaisir à se laisser emporter par ce texte.

Les Silences d’Ogliano

par Elena Piacentini

Situé au cœur d’un Sud imaginaire, aux lourds secrets transmis de génération en génération, « Les Silences d’Ogliano » est un roman d’aventures autour de l’accession à l’âge adulte et des bouleversements que ce passage induit. Un roman sur l’injustice d’être né dans un clan plutôt qu’un autre – de faire partie d’une classe, d’une lignée plutôt qu’une autre – et sur la volonté de changer le monde. L’ensemble forme une fresque humaine, une mosaïque de personnages qui se sont tus trop longtemps sous l’omerta de leur famille et de leurs origines. Récompensée par le prix de la Closerie des Lilas 2022.

Coup de cœur  : dans un sud qui pourrait être la Corse ou l’Italie, la trajectoire d’un jeune homme du peuple et les revers du destin, sont admirablement décrits et mis en lumière par l’autrice. À découvrir !